Modernisation à la chinoise et FOCAC 2024 : Six leçons pour le développement de l’Afrique
Modernisation à la chinoise et FOCAC 2024 : Six leçons pour le développement de l’Afrique
Héribert-label Elisée ADJOVI
Journaliste - Spécialistes des Questions Internationales et Sino-Africaines & Ecrivain / Gouverneur du Magazine panafricain de Diplomatie et de Relations Internationales « Le Label Diplomatique » & Président du Caucus panafricain des journalistes - Contacts :
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A l’orée du neuvième Sommet du Forum sur la coopération sino-africaine, le FOCAC, la question du décollage économique de l’Afrique revient au-devant de la scène. Beaucoup se demandent si Enfin, au regard des nouvelles mesures prises par le Président Xi Jinping pour accélérer l’agro-business, l’industrialisation et la formation des talents en Afrique, l’heure de la renaissance du continent noir a sonné. Je me propose ici de tirer six leçons de la modernisation à la chinoise qui pourraient aider au développement de l’Afrique.
Dans un essai quasi prophétique paru en 1973 (cinq ans avant le début des trente années qui ont produit le miracle chinois), Alain Peyrefitte annonçait : « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera ». A l’orée du troisième millénaire et après trente années de politique d’ouverture et de réformes, la Chine, autrefois agricole, s’est éveillée, que dis-je, s’est révélée au monde. Cela dit, et à la différence de la pensée occidentale qui veut que grandeur rime avec hégémonie et écrasement des Autres, la modernisation à la chinoise a fait trembler le monde. Oui, la Chine fait trembler le monde ! Mais, pas de peur, plutôt d’EMERVEILLEMENT… Riche de son histoire de plus de 5000 ans et sous la bannière éclairée du Parti communiste chinois, le PCC, la Chine poursuit sa propre voie de développement, avec à la clé une position de deuxième puissance économique mondiale, et la volonté affichée de prendre la première place à l’horizon 2049 (si ce n’est pas bien avant), lorsqu’on parlera du centenaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Dans le même temps, le « Pays du milieu » n’a pas tourné le dos aux autres nations en développement, et surtout pas ceux d’Afrique. L’Afrique avec laquelle elle a renforcé les liens depuis l’an 2000, par le biais du Forum sur la coopération sino-africaine, FOCAC, dont le neuvième sommet - prévu du 4 au 6 septembre 2024 à Beijing - a un thème révélateur : « S’associer pour promouvoir la modernisation et construire une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de haut niveau ». Mais alors, comment l’Afrique, le continent ayant le plus grand nombre de pays en développement, peut-elle profiter au mieux de sa relation privilégiée avec la Chine, le plus grand pays en développement du monde, pour bâtir sa propre voie de développement et produire le miracle de sa modernisation ? De par le processus de modernisation à la chinoise, les 24 ans d’existence du FOCAC et prenant appui sur mon expérience personnelle avec la République Populaire de Chine (y compris mes six voyages d’études sur place), j’aimerais avancer ici six pistes de réflexion susceptibles de propulser l’Afrique vers le développement tant attendu.
1- L’indépendance de la Chine dans sa voie de développement
Dans une lettre de félicitations adressée au Forum Lanting sur « La modernisation à la chinoise et le monde », tenu au Meet-the-World Lounge à Shanghai, le 21 avril 2023, le Président Xi Jinping s’est exprimé en ces termes : « Pour se moderniser, un pays doit non seulement suivre les règles générales, mais aussi et surtout prendre en compte ses réalités nationales et valoriser ses propres caractéristiques… Le Parti communiste chinois a uni et conduit le peuple chinois multiethnique pour trouver, à l’issue d’une exploration longue et ardue, une voie de développement adaptée aux conditions nationales et œuvre actuellement à promouvoir la construction d’un pays puissant et le grand renouveau de la nation par la modernisation à la chinoise. » Comprendre la modernisation à la chinoise, c’est d’abord savoir que la Chine a toujours fait le choix de sa voie de développement en toute indépendance. Elle ne s’est jamais pliée aux injonctions ou aux pressions extérieures. Raison pour laquelle, par exemple, elle a pu rompre avec l’ex-URSS, quitte à payer des dettes très lourdes avec des moyens très limités. Pour des raisons similaires, elle a refusé l’offre américaine de dominer le monde à deux sous le nom de « Chimerica ». Les intérêts fondamentaux des 1,4 milliards de chinois est le point de départ et l’objectif final de la mission que s’est assignée le PCC, qui œuvre à ce que l’ensemble du peuple chinois soit le principal acteur, promoteur et bénéficiaire de la cause des droits de l’homme et que son sentiment de satisfaction, de bonheur et de sécurité soit sans cesse renforcé. A ce propos, le PCC a remporté une victoire historique dans l’éradication de la pauvreté absolue et parachevée dans toute la Chine l’édification intégrale d’une société de moyenne aisance. En 1972, la FAO a mené une enquête de terrain à Xihaigu et déclaré l’endroit inhabitable pour les humains. En 1996, la province du Fujian a mis en place un groupe de direction du « Partenariat de coopération Fujian-Ningxia pour l’élimination de la pauvreté » dont le Président Xi Jinping était le chef à l’époque. Lui qui, plus de 40 ans durant, a travaillé dans des villages, des villes, des provinces et au gouvernement central de Chine et qui affirme à juste titre : « La lutte contre la pauvreté a toujours été une partie cruciale de mon travail ». Fujian a procuré de l’aide au Ningxia par Xihaigu, la région la plus pauvre de la Chine. Elle s’est développée à partir d’une seule industrie. En juillet 2020, ceux qui ont participé à la mise en œuvre du « Partenariat de coopération Fujian-Ningxia pour l’élimination de la pauvreté » ont reçu le prix « Modèle de l’époque », décerné par le département de la communication du Comité central du Parti communiste chinois.
Le PCC a établi les plus grands systèmes d’éducation, de protection sociale et de santé au monde. Il a travaillé à appliquer sur tous les plans la nouvelle vision du développement, à promouvoir un développement de haute qualité et à bâtir une nouvelle dynamique de développement, en vue de la prospérité commune de toute la population. Il a également érigé en principe constitutionnel le respect et la garantie des droits de l’homme par l’Etat et travaillé à faire progresser l’état de droit dans toutes les dimensions, à accroître le niveau de la garantie juridique des droits de l’homme et à préserver l’équité et la justice sociales. Une vision à l’antipode du « Consensus de Washington » prôné par l’économiste britannique John Williamson, qui propose un corpus de mesures d’inspiration libérale (notamment sous perfusion du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale) pour relancer la croissance économique dans les pays en difficulté du fait de leur endettement. Point n’est besoin d’ajouter que la plupart des pays africains sont à l’école du Programme d’ajustement structurel, le PAS (fils du « Consensus de Washington »), un programme qui semble avoir été conçu pour appauvrir les pays africains et les tenir en laisse, jusqu’à la levée de boucliers du Burkina-Faso, membre de l’Alliance des Etats du Sahel, l’AES, qui vient courageusement d’opposer une fin de non recevoir à ces solutions qui sont tout, sauf celles dédiées au développement de l’Afrique. D’autant plus que le continent africain continue de conjuguer le développement au futur, malgré qu’il soit le plus pourvu en ressources minières (dont 54% des ressources mondiales de platine, 78% de diamants, 40% de chrome et 28% de manganèse), que sa population est la plus jeune au monde (environ 77% des 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 400 millions sont âgés de 15 à 35 ans) et d’un niveau intellectuel de plus en plus élevé. La démocratie à l’Occidental participe du même dessein suscité depuis le début des années 1990, un terreau propice au dérèglement sociopolitique bénéfique avant tout aux anciennes puissances coloniales qui en profitent pour continuer de déplumer « la poule aux œufs d’or » et garantir leurs positions autrefois acquises à coups de violations de droits de l’homme de tous genres.
A contrario, la coopération sino-africaine ne cesse de se renforcer voire s’amplifier au fil des FOCAC, qui sont devenus un modèle de réussite en termes de partenariat Sud-Sud et un repère dans la reformulation des politiques de coopération des autres partenaires au développement de l’Afrique. La première piste de réflexion est la suivante : Si tant est que les pays Africains veulent faire mentir ceux qui pensent que le continent noir refuse le développement, il va falloir qu’ils revisitent le modèle de développement chinois pour ensuite l’adapter aux spécificités nationales, afin de construire une modernisation à l’africaine. Cela demande à revoir l’architecture politico-administrative actuelle de la plupart des Etats africains (trop calquée sur le modèle laissé par le colonisateur occidental) et en construire une qui renforce leur souveraineté et répond à leur vision intrinsèque de gouvernance politique ; y compris à travers une véritable politique d’intégration régionale. Ils pourront ensuite asseoir et / ou mettre en œuvre une politique économique et sociale qui garantit l’accès de tous aux produits de première nécessité et la régulation du marché de production et de vente, au mieux des intérêts nationaux, régionaux voire continentaux. En gros, il s’agit de laisser les pays Africains choisir leur propre voie de développement, en tenant compte des caractéristiques de leur économie, leur politique, leur culture, leur société, mais surtout l’humain. C’est à ce prix que pourra se construire une modernisation à l’africaine. A ce titre, la volonté de rompre avec cette approche passéiste et rétrograde, fondée sur l’exploitation univoque du partenaire ou c’est toujours l’ancienne puissance coloniale qui gagne alors que les pays africains restent empêtrés dans une paupérisation sans fin. Une telle rationalité est appelée à mourir dans le temps, sauf à envisager une Afrique sans les Africains. Une utopie devenue réalité aux Etats-Unis d’Amérique avec les Amérindiens longtemps relégués au rang des citoyens de seconde zone. Drôle de façon de considérer les relations bilatérales fondées essentiellement sur l’intérêt, el lieu et place du paramètre gagnant gagnant que l’ère du verseau semble appeler et imposer de ses vœux, si l’on en juge d’après les retombées de sa logique : équité, transparence, respect, ouverture, etc. Comme c’est le cas pour le fil d’Ariane de la République Populaire de Chine qui a acquis plus d’une astuce dans l’édification d’une réforme gagnante.
2- En Chine, l’ouverture tient la réforme en l’état
Comprendre la modernisation à la chinoise, c’est savoir ensuite que la Chine a toujours fait le choix d’utiliser l’ouverture comme un moyen pour forcer la réforme. Car, la réforme est un mécanisme de promotion du développement, d’accélération de la libéralisation du marché, tout en contrôlant le rythme. C’est pour cela, que la Chine a procédé à plusieurs tours d’ouverture. Chaque fois, les mesures de l’ouverture servent à renforcer la concurrence sur le marché intérieur et à forcer les agents économiques (les établissements économiques, les entreprises, etc…) à renforcer leur compétitivité. Le processus d’ouverture économique de la Chine est étroitement lié aux changements graduels introduits dans l’économie du pays. Les transformations intérieures et extérieures ont de multiples interactions et relèvent de la stratégie de développement. Cette stratégie, adoptée à l’issue de la troisième session plénière du XIème Comité central du Parti communiste chinois à la fin de 1978, avait pour objectif de soulager l’économie du fardeau de la Révolution culturelle et de l’absence de progrès social dans les années 1970. Ce qui revient à réaliser la croissance économique par l’introduction active de capitaux et de technologies étrangers tout en maintenant l’engagement de l’Etat envers le socialisme. Dans le même sens, le progrès technologique dans l’agriculture de la fin de ces mêmes années ne pouvait être converti en revenu rural que si les agriculteurs étaient en mesure de vendre leur production au-dessus du quota fixé par la planification. Cette réforme a commencé dans l’économie rurale avec l’instauration d’une « double voie » (double track). L’économie de marché a été introduite et encouragée dans les campagnes, à côté de la planification centrale, par l’attribution contractuelle de parcelles de terre aux fermiers. Une fois le quota de production agricole réalisé à des prix peu élevés et définis par l’administration, les agriculteurs étaient libres de vendre leur surplus aux prix du marché. L’attribution contractuelle de terres aux ménages s’est faite dans tout le pays et des prix profitables leur ont permis d’acheter des engrais et des machines. Le succès de cette politique fut considérable. La production agricole a fortement augmenté. L’output de céréales a bondi de 33% entre 1975 et 1984. Comme la productivité progressait encore plus vite, une force de travail excédentaire a pu s’investir dans des activités non agricoles.
En Chine, les régions côtières ont été les premières touchées par l’ouverture, suivant un processus de littoralisation avec, dans un premier temps, la création de cinq zones économiques spéciales à Shenzhen, Zhuhai et Shantou dans le Guangdong, Xiamen dans le Fujian et la province de Hainan. En 1984, l’ouverture s’est poursuivie à quatorze villes côtières : Dalian, Qinhuangdao, Tianjin, Yantai, Qingdao, Lianyungang, Nantong, Shanghai, Ningbo, Wenzhou, Fuzhou, Guangzhou, Zhanjiang et Beihai. Les deltas du Changjiang et du Zhujiang, le triangle du Fujian du sud, les péninsules du Shandong et du Liaodong, le Hebei et le Guangxi, puis la nouvelle zone de Pudong à Shanghai et un certain nombre de villes riveraines du Changjiang ont été successivement mis en valeur et consacrés comme des zones d’exploitation économique, formant ainsi une bande d’ouverture économique côtière. Depuis 1992, les zones à régime spécial et accueillant des entreprises à capitaux étrangers jouissent de différentes politiques préférentielles. Qui plus est, l’économie chinoise a utilisé judicieusement son entrée à l’Organisation mondiale du commerce, OMC (en novembre 2001 à Doha au Qatar), pour une nette accélération des flux de biens et de capitaux entre la Chine et le reste du monde. Résultat : de 2000 à 2020, la Chine est le pays dont le Produit intérieur brut, Pib, par habitant a connu la plus forte croissance, avec un gap de 78% en vingt ans (données de la Banque mondiale en 2021). Faut-il le préciser, si les zones littorales représentent encore 60% du Pib chinois (données de 2019) pour 14% de la superficie du pays, la tendance actuelle concerne l’intérieur du pays.
A l’avènement du Président Xi Jinping en 2013, la Chine a accentué sa politique d’ouverture vers l’Occident par la création des « nouvelles routes de la soie » ; un projet stratégique devenu « Initiative Ceinture et Route » (Belt and Road Initiative) à partir de 2017. Si elle est initialement prévue pour relier économiquement la Chine à l’Europe, en intégrant les espaces d’Asie centrale par un vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires, aujourd’hui, plus de 150 pays et 30 organisations internationales ont signé des documents de coopération dans le cadre de l’ « Initiative Ceinture et Route » dont le 3ème Forum a été organisé à Beijing en octobre 2023, à l’occasion de la célébration de son 10ème anniversaire. L’historien britannique Peter Frankopan a écrit dans son livre « La route de la soie : une nouvelle histoire mondiale », que la «Route de la Soie a façonné le monde dans le passé, a même façonné le monde d’aujourd’hui et façonnera également le monde de l’avenir. Autrement dit, l’Iinitiative « La Ceinture et la Route » est originaire de Chine, mais ses résultats et opportunités appartiennent au monde entier. Selon le Rapport d’activités du gouvernement présenté le 5 mars 2024 à la deuxième session de la XIVème Assemblée populaire nationale par le Premier Ministre du Conseil des affaires d’Etat, Li Qiang, « La nouvelle phase de restructuration de l’appareil gouvernemental au niveau central a été achevée pour l’essentiel : celle des administrations locales s’est déroulée en bon ordre. La mise en place du marché unique national a progressé. Un plan en vue d’augmenter leur compétitivité a été lancé dans le cadre de la réforme des entreprises publiques. Des mesures ont été adoptées en vue de stimuler le développement de l’économie privée. Le développement de zones-pilotes de libre-échange et leur disposition ont été améliorés. La part des exportations chinoises sur le marché international est restée stable : la structure des investissements étrangers réellement utilisés a été optimisée. L’initiative conjointe - ceinture et Route - a gagné en attractivité et en influence sur la scène internationale ».
Le développement économique de la Chine au cours des 40 dernières années ainsi que sa deuxième place mondiale n’auraient pas été possibles sans les politiques méthodiques et successives d’ouverture et de réformes. Résultats. Lors de mon séjour d’études en mars 2024 dans la province du Jiangsu, cinquième province chinoise par la population et la deuxième pour le Pib total, j’ai pu constater que certaines villes du sud, dont principalement Suzhou, ont connu une croissance économique fulgurante. Par exemple, Suzhou affiche le plus haut niveau de Pib par habitant de Chine, en dehors des provinces urbaines de Shanghai, Beijing, Tianjin et du Guangdong. En avril 2024, en marge de la troisième Conférence sur le dialogue des civilisations chinoise et africaine organisée par l’Institut Chine-Afrique qui commémorait le cinquième anniversaire de sa création le 9 avril 2024, j’ai pu visiter et apprécier la province du Fujian et plus précisément la ville capitale de Fuzhou. Fuzhou, après 20 ans de mise en œuvre de la vision stratégique « Stratégie 3820 » élaborée par le Président Xi Jinping en novembre 1992 (en son temps chef du PCC à Fuzhou, ville entourée de montagnes et de rivières, avec une base industrielle faible, de faibles recettes fiscales et des transports médiocres, il a travaillé avec plus de 1600 cadres à mener des recherches et tenu des réunions pour recueillir les opinions sur des sujets tels que l’agriculture et l’industrie. Plus de 25.000 avis publics ont été reçus en deux semaines), a fait un bond en avant en matière de croissance économique. Aujourd’hui, le port de Fuzhou est devenu des hubs portuaires les plus importants pour le transport de conteneurs, et figure parmi les 20 premiers ports mondiaux en termes de débit de marchandises en 2022. Au cours de la même année, la valeur totale de la production maritime de Fuzhou a dépassé 330 milliards de yuans (environ 46 milliards de dollars). En marge du huitième Festival de la Jeunesse Chine-Afrique organisé en mai dernier dans la province du Zhejiang, j’ai pu visiter le célèbre marché de gros de la ville-district de Yiwu, considéré depuis 2005 comme le plus gros marché de petites marchandises au monde.
Toujours au chapitre des résultats de l’ouverture et de la réforme en Chine, en mai 2024, Tesla, un constructeur automobile de voitures électriques fondé en 2003 à San Carlos en Californie, a commencé la construction d’une autre super-usine dans la zone nouvelle de Lingang de la zone franche pilote de Shanghai. Pour la petite histoire, il n’a fallu qu’un mois entre la négociation et la signature. Une telle célérité est indissociable du soutien d’un environnement commercial en constante amélioration. Depuis le début de cette année, le géant biopharmaceutique britannique AstraZeneca a investi 475 millions de dollars dans une nouvelle usine de médicaments innovants à petites molécules dans la zone de haute technologie de Wuxi, dans la province du Jiangsu et Valeo, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de pièces automobiles dont le siège est en France, a construit une base de production, de recherche et de développement de systèmes de confort et d’aide à la conduite dans le district de Jiading à Shanghai. Le 25 mai de cette année, le train Chine-Europe X8157 a quitté la gare portuaire internationale de Xi’an, capitale de la province du Shaanxi (un fleuron de l’économie chinoise situé au nord-ouest du pays et que j’ai visité en juin dernier) et est arrivé à la ville frontalière de Malaszewicz en Pologne dix jours plus tard. Au total, 90.000 trains ont été exploités et leur kilométrage total a dépassé 700 millions de kilomètres. Aujourd’hui, les trains Chine-Europe relient 25 pays d’Europe et 11 pays d’Asie, ce qui en fait sans le moindre doute un véritable « canal en or ». On peut aussi citer la ligne de grande vitesse Beijing-Shanghai, avec une longueur de 1.318 km, est une merveille d’ingénierie qui profite à plus d’un quart de la population chinoise le long de son parcours. Elle est dotée de deux ponts qui ont battu des records du monde, à savoir le pont de Dashengguan sur le fleuve Yangtsé et le grand pont de Danyang à Kunshan.
Dans le domaine des infrastructures routières, la Chine a construit le pont « Pingtang », qui possède la plus grande tour en béton du monde, dans le Guizhou, en Chine. Il mesure environ 2.135 mètres de long et traverse un canyon, ce qui en fait un point de connexion important pour l’autoroute Pingtang-Luodian. La construction de l’ouvrage a coûté au total 1,5 milliard de yuans (environ 215 millions de dollars). La mise en service du pont permettra de réduire le temps de trajet entre Pingtang et Luodian de plus de deux heures et demie à environ une heure. La nouvelle infrastructure contribuera à réduire la pauvreté dans les régions rocheuses et désertiques du Guizhou et de la province voisine du Yunnan ainsi que dans la région autonome Zhuang du Guangxi. On peut également évoquer le nouveau système de transport à sustentation magnétique ultra-rapide, également connu sous le nom de « train volant à grande vitesse », a récemment achevé un test de démonstration dans la province du Shaanxi, dans le nord de la Chine. Il s’agit d’une étape importante pour le train maglev, qui peut atteindre des vitesses allant jusqu’à 1000 km/h. La démonstration a été réalisée dans un tube à faible vide d’une longueur totale de 2 kilomètres. Les performances et les résultats du test étaient conformes aux chiffres prédéterminés, notamment le débattement et les freins de la suspension magnétique, la vitesse de déplacement maximale et la hauteur de la suspension magnétique du véhicule, marquant le succès du test. Le « train volant à grande vitesse » peut être mis en œuvre sur les itinéraires de banlieue des mégapoles. Cela pourrait réduire le temps de trajet entre Beijing et Shanghai à seulement 90 minutes.
De toute évidence, de 1978 à nos jours, la politique d’ouverture et de réformes a entraîné la modernisation à la Chine. A contrario, le début des années 1990 a vu souffler, dans la plupart des pays africains le vent du renouveau démocratique accompagné d’une politique de restructuration économique qui les a mis sous perfusion des institutions financières de Bretton Woods pour un résultat globalement décevant. La seconde piste de réflexion est la suivante : Et si l’Afrique des 54 recherchait sa propre voie de restructuration économique en allant à l’école des 46 ans de politique d’ouverture et des réformes de la Chine ? Cela ramène à l’éternelle question de la réelle souveraineté économique du continent noir sur les traces des plans et mécanismes nationaux, sous-régionaux et continentaux, en veillant à tirer leçon de l’expérience chinoise pour ne pas répéter la politique des espoirs déçus pratiquée depuis plus de soixante ans. A la lumière de la modernisation à la chinoise et sachant que la stabilité économique est tributaire de la stabilité politique, il importe de s’attaquer de front aux questions de gouvernance, y compris des préoccupations liées à la justice sociale, à la sécurité nationale et transfrontalière dans une Afrique en proie au grand banditisme et au terrorisme. Ensuite, il faut dénoncer tous les concepts, procédures et instruments alignés sur le « Consensus de Washington » et qui constituent des goulots d’étranglement à l’essor économique de l’Afrique. Enfin, il faut asseoir une politique économique qui affirme la souveraineté des Etats, des ensembles sous-régionaux africains ainsi que de l’Union africaine, au mieux des intérêts des peuples africains.
3- La méritocratie, une fierté à la Chinoise
Comprendre la modernisation à la chinoise, c’est aussi savoir qu’au cours de cette période de développement rapide, la Chine a essayé de former un corps professionnel de gestion ou de l’administration publique. C’est le système de la « méritocratie ». Par ce système dit de « méritocratie », la Chine a formé des gestionnaires publics très compétents et effectifs. Ils n’ont pas à se concurrencer, comme sur le marché, mais ils ont à se concurrencer pour montrer leur performance dans la gestion de l’Etat. Le point de départ de ce processus de sélection est Gaokao, l’abréviation chinoise du « Concours national unifié de recrutement de l’enseignement supérieur général ». Il a lieu les 7 et 8 juin de chaque année, simultanément dans toute la Chine. Selon les notes obtenues, les élèves sont reçus dans des établissements d’enseignement supérieur plus ou moins prestigieux et sont appelés à occuper des positions sociales plus ou moins élevées. Créé en 1952, au début de la République Populaire de Chine, le Gaokao a connu de multiples réformes qui lui ont permis de s’adapter au renouvellement des conditions sociales ainsi qu’aux contestations dont il a été l’objet. Il reste aujourd’hui, 72 ans après sa création, la forme de sélection la moins injuste dans la société chinoise. Une pratique qui remonte à bien loin dans l’histoire de la Chine, avec un célèbre précurseur… Confucius !
Les défenseurs de la méritocratie politique confucéenne défendent tous un système dans lequel les dirigeants sont sélectionnés, non plus sur la base de la noblesse de sang, mais plutôt sur la base de la noblesse de vertu (tenant compte de leur intellect, de leurs compétences sociales et de leur vertu). Le fait que Confucius ait admis des étudiants de différentes classes comme disciples est une preuve claire qu’il a lutté contre les structures féodales qui définissaient la société chinoise pré-impériale. Une autre idée nouvelle, celle de la méritocratie, a conduit à l’introduction du système d’examens impériaux en Chine. Ce système permettait à quiconque réussissait un examen de devenir fonctionnaire du gouvernement, un poste qui apporterait richesse et honneur à toute sa famille. Le système d’examens impériaux chinois a commencé sous la dynastie Sui. Au cours des siècles suivants, le système s’est développé jusqu’à ce que presque tous ceux qui souhaitaient devenir fonctionnaires doivent prouver leur valeur en passant une série d’examens gouvernementaux écrits. Cette méritocratie politique confucéenne n’est pas seulement un phénomène historique. La pratique de la méritocratie est plus que d’actualité en Chine, mais aussi en Asie de l’Est.
Dans le cadre de son Plan d’action Chine-Afrique 2018-2021, la Chine accueille 60.000 étudiants africains par an. Elle offre aussi 50.000 possibilités de formations professionnelles et 50.000 bourses gouvernementales pour les fonctionnaires africains. Cette formation des talents est fort appréciée côté africain, parce qu’au-delà de l’expérience acquise dans moult domaines, ces formations sont autant d’occasions pour les jeunes, cadres et dirigeants africains de se mouler dans le concept de modernisation à la chinoise. Cela dit, l’un des sujets qui fâchent lorsqu’on parle de l’Afrique, c’est la qualité des cadres dans l’administration publique et à des postes stratégiques, du fait, d’une part, du Programme d’ajustement structurel qui a créé une rupture dans le processus de recrutement et de formation du personnel dans bon nombre de pays africains. D’autre part, du clientélisme politique qui fait qu’on a plus de chance de parvenir aux postes élevés de responsabilité, si l’on a de « parrain » politique. La troisième piste de réflexion est la suivante : vu l’expertise reconnue à la Chine dans la gestion de la carrière de ses cadres à divers niveaux, la coopération sino-africaine visant la formation des talents (l’une des mesures prises par le Président Xi Jinping en faveur de l’Afrique, en marge du sommet des BRICS le 25 août 2023 à Johannesburg en Afrique du Sud) ne peut-elle pas s’étendre à la méritocratie ? Là encore, il ne s’agit pas de faire du copier-coller. Il faut plutôt partir du principe qu’à chances égales, il faut donner la priorité à ceux qui sont les plus méritants, en occultant pas la question de la moralité, de la probité et de l’intégrité intellectuelle. De ce fait, les pays africains doivent déjà travailler à asseoir une politique éducative incitative et de suivi des apprenants de l’école maternelle jusqu’au secondaire. De telle sorte qu’aucun apprenant ne finira le premier cycle ou le second cycle du secondaire (selon le cas) sans savoir où s’orienter, parce que l’Etat aurait pris les devants en départageant les uns et les autres à travers des évaluations. Mais cela suppose, au préalable, une remise en cause de toute politique et / ou tout programme éducatifs qui ne répondent pas aux aspirations de l’Etat en termes de modèle de citoyen et de société. Cela suppose également, que l’Etat est à même de suivre la carrière de ses fonctionnaires, mais aussi de ses cadres pour construire, à l’image de la Chine, des générations d’élites qui serviront dans la fonction publique ou défendront l’image du pays dans divers secteurs d’activités ainsi que dans les grandes enceintes internationales.
4- La Chine et le refus de la « thérapie de choc »
Comprendre la modernisation à la chinoise, c’est en outre savoir que la Chine n’a pas été persuadée par les Occidentaux d’appliquer ce qu’on appelle la « thérapie de choc » (La « thérapie de choc » est au cœur de la « doctrine de transition du « Consensus de Washington » qui revient à mettre en œuvre un ensemble de politiques économiques pour transformer d’un seul coup, les économies planifiées en économies de marché (la libéralisation de tous les prix d’un seul coup, la privatisation, la libéralisation du commerce et une stabilisation sous la forme de politiques monétaires et fiscales strictes). A l’origine, la Chine a failli appliquer le mouvement destructeur de la « thérapie de choc » en supprimant prématurément les contrôles essentiels des prix au cours de la première décennie critique de la réforme (1978-1988). Mais, elle s’est finalement abstenue. Au lieu de libéraliser tous les prix d’un seul coup, l’Etat chinois a d’abord continué à planifier le noyau industriel de l’économie et à fixer les prix des biens essentiels, tandis que les prix de la production excédentaire et des biens non essentiels étaient successivement libéralisés. En conséquence, les prix ont été progressivement déterminés par le marché. En d’autres termes, dans la transition d’une économie planifiée à une économie de marché, la Chine a choisi une voie graduelle, progressive. Ce qui fait que le long de cette période de transition - notamment de libéralisation des prix -, la Chine n’a pas connu de grands bouleversements sociaux. Il faut noter que l’effondrement économique de la Fédération de Russie en 1995, consécutive à l’application de la « thérapie de choc » des Occidentaux, a conforté la Chine dans son choix de la prudence. Résultat : les positions de la Chine et de la Russie dans l’économie mondiale se sont inversées. La part de la Russie dans le Pib mondial a presque été divisée par deux, passant de 3,7% en 1990 à environ 2% en 2017, tandis que la part de la Chine a été multipliée par près de six, passant de seulement 2,2 % à environ un huitième de la production mondiale pour la même période. Le revenu réel moyen de 99% des habitants de la Russie était inférieur en 2015 à ce qu’il était en 1991, alors qu’en Chine, malgré l’augmentation rapide des inégalités, ce chiffre a plus que quadruplé au cours de la même période, dépassant celui de la Russie en 2013. Suite à la « thérapie de choc », la Russie a connu une augmentation de la mortalité supérieure à toutes les expériences précédentes d’un pays industrialisé en temps de paix. Conclusion logique : étant donné le faible niveau de développement de la Chine par rapport à celui de la Russie à l’aube de la réforme, « la thérapie de choc » aurait eu pour conséquence de saboter voire détruire les fondements de l’essor économique de la Chine. Il est dès lors difficile d’imaginer à quoi ressemblerait le capitalisme mondial aujourd’hui si la Chine avait suivi la même voie que la Russie.
A l’instar de la Russie, la plupart des pays africains partenaires de la Chine sont passés par la case de la « thérapie de choc » occidentale au début des années 1990 (sous le vocable « Programme d’ajustement structurel, PAS ». Le niet du Burkina-Faso gagnerait, dans ce contexte, à être porté au pinacle et à encenser. Car, il constitue une première à suivre. Du reste, tout comme la Russie, les mesures de restrictions économiques et de gestion imposés depuis Washington par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale (privatisations des entreprises publiques, licenciements massifs au sein de la fonction publique sous forme de départs volontaires, la suspension des recrutements dans la fonction publique, etc…), après les premières années d’euphorie consécutives au mirage du renouveau démocratique, ont fait perdre aux pays africains concernés tout contrôle sur la quasi-totalité de leurs pouvoirs régaliens. Conséquence : aggravation des inégalités sociales, exode rural, insécurité grandissante (y compris le grand banditisme et le terrorisme), coups d’Etat constitutionnels et militaires, chômage et inflation galopants, etc. La quatrième piste de réflexion est la suivante : 24 ans après le lancement du FOCAC, quels mécanisme à même de permettre aux pays africains de bénéficier de l’expérience de la Chine pour sortir du piège de la « thérapie de choc » ? A ce propos, les trois précédentes leçons tirées de la modernisation à la chinoise sont toujours d’actualité. L’Afrique devant tenir compte du niveau d’éducation de sa population, de la qualification de sa main-d’œuvre, de l’organisation de son système productif, de la réduction des goulots d’étranglement et surtout de la qualité de sa gouvernance. Une Afrique moderne, unie et prospère passe aussi par l’application rigoureuse de politiques économiques nationales, régionales et continentales adoptées, mais non encore opérationnalisées, du fait des mécanismes de la « thérapie de choc » en rapport avec la restructuration économique moins visible, et pourtant toujours d’actualité. Le renforcement des ensembles économiques sous-régionaux, la souveraineté monétaire, la libre circulation des personnes et des biens, le commerce intra-africain, les projets intégrateurs, la construction de partenariats économiques et de sécurité-Défense souverainistes, notamment avec les BRICS (la Chine en tête) sont autant d’outils susceptibles de propulser l’Afrique vers son indépendance économique voire une modernisation à l’africaine.
5- Différentes catégories d’entreprises pour l’économie de marché à la chinoise
Comprendre la modernisation à la chinoise, c’est savoir, par ailleurs, que la Chine pense qu’il faut des entités, des entreprises de toutes sortes dans une économie de marché. Chaque entreprise a sa fonction, Chaque entreprise a sa spécificité. Contrairement à ce que préconisent les Occidentaux en général, les Américains en particulier, qui disent qu’il faut seulement avoir des entreprises privées dans une économie marché. En fait, chaque entreprise a son rôle à jouer dans une économie de marché. La Chine a des entreprises publiques, des entreprises mixtes (c’est-à-dire des entreprises de joint-ventures, avec des participations d’entreprises étrangères), des entreprises coopératives, des entreprises privées, etc. Toutes ces entreprises ont un rôle à jouer dans une économie de marché. C’est pour cette raison que le marché chinois est devenu très résiliant. C’est comme dans la nature. Dans la nature, on préconise la biodiversité. Car, seule une diversité de la végétation permet aux différentes plantes de se protéger. Dans un marché, c’est la même chose. La diversité des entreprises renforce la résilience du marché.
Selon le Rapport d’activités du gouvernement présenté le 5 mars 2024 à la deuxième session de la XIVème Assemblée populaire nationale, le Premier Ministre du Conseil des affaires d’Etat, Li Qiang, a souligné que tout en étant la première année de l’application générale de l’esprit du XXème Congrès du Parti communiste chinois ainsi que la première année du nouveau mandat du Président Xi Jinping, « les principaux objectifs de développement économique et social de l’année ont été atteints, le développement de qualité a obtenu des progrès substantiels, la société est restée stable, l’édification intégrale d’un pays socialiste moderne a conduit à des résultats. » Concrètement, l’activité économique chinoise s’est rétablie et améliorée dans son ensemble, avec un taux de croissance de 5,2% et un Pib de plus 126.000 milliards de yuans et s’est révélée l’une des plus performantes des grandes économies du monde. Dans les agglomérations urbaines, 12,44 millions d’emplois ont été créés et le taux de chômage au sens du recensement de la population a été de 5,2% en moyenne. L’indice des prix à la consommation des ménages a augmenté de 0,2%. L’équilibre de la balance des paiements internationaux a été maintenu. Dans l’édification d’un système industriel moderne de la Chine, des progrès importants ont également été obtenus. L’avion gros porteur chinois C919 a été mis en service, un grand paquebot de croisière chinois a vu le jour, la part de la Chine dans la production et la vente de véhicules à énergies renouvelables a dépassé 60% du total mondial. De nouvelles percées sont aussi enregistrées dans le domaine de l’innovation scientifique et technologique, avec une augmentation de 28,6% des chiffres des contrats chinois relatifs aux technologies. Les bases du développement sûr de la Chine ont été consolidées, avec une production céréalière s’élevant à 695 millions de tonnes, établissant un nouveau record. Dans le même temps, le revenu disponible par habitant a augmenté de 6,1% et le fossé entre les revenus des habitants des villes et ceux des campagnes n’a cessé de se réduire. Les résultats obtenus dans l’élimination de la pauvreté ont été consolidés et développés et les revenus des habitants ruraux dans les régions sorties de la pauvreté ont progressé de 8,4%.
Selon les chiffres de croissance publiés mi-janvier 2024 par le Bureau national des statistiques de Chine, le Pib chinois a progressé de 5,2% en 2023, un peu plus que les 5% fixés comme objectif initial par le Parti communiste chinois. C’est plus du double qu’aux Etats-Unis (2,5%) et dix fois plus qu’en zone Euro (0,5%). La Chine a également connu une croissance de 5% au premier semestre de cette année, en phase avec l’objectif de croissance du gouvernement de 5% pour l’année 2024. Le secteur industriel a connu une croissance de 5,8% sur un an au premier semestre de 2024, dépassant deux augmentations de 3,5% dans le secteur agricole et de 4,6% dans le secteur des services. La consommation continue de jouer un rôle majeur dans le moteur de la croissance, contribuant à 60,5% de l’expansion économique au premier semestre et à hauteur de 3 points de pourcentage à la croissance du Pib. Ceci en dépit des conditions météorologiques extrêmes, des inondations, un environnement extérieur plus volatil, complexe et plus sévère ainsi qu’à de nouveaux défis résultant de l’approfondissement des réformes structurelles au niveau national.
Tout en étant la deuxième économie mondiale, et comme le disait le Président Xi Jinping lors de sa visite dans la province du Shandong en mai 2024, « L’objectif de promouvoir la modernisation chinoise est de rendre la vie de la population de plus en plus agréable ». La cinquième piste de réflexion est la suivante : à l’orée du FOCAC 2024, comment les pays africains, prenant exemple sur la Chine, peuvent-ils réguler au mieux les activités des entreprises au profit du peuple ? Contrairement à la politique du tout libéral qui n’a fait que drastiquement réduire les marges de manœuvre de l’Etat dans le contrôle de l’activité économique et laisser les populations les plus vulnérables à leur sort, il importe de renforcer la présence de l’Etat là où cela s’avère nécessaire (que ce soit sur les questions de l’éducation, de subventions à la production agricole, fixation et contrôle des prix des produits de première nécessité, l’éducation, la santé, l’eau, l’électricité, les logements sociaux, etc.) Il faut renforcer le contrôle de l’Etat là où c’est nécessaire (banques, assurances, etc.) et veiller à la régulation du marché là où cela suffit.
6- La Chine pour un leadership de communauté partagé pour l’humanité
Enfin, comprendre la modernisation à la chinoise, implique le fait que la Chine veut aussi aider les autres pays à se développer plus rapidement. Ceci sur une base de partenariat, c’est-à-dire sur une base de coopération d’égal à égal, gagnant gagnant. Cette perception de la vie et des rapports humains tire sa source dans la civilisation plurimillénaire chinoise et dans la conception confucéenne qui veut que, « pour qu’un homme s’enrichisse, il faut qu’il pense d’abord à comment ses affaires pourraient rendre les autres personnes autour de lui heureuses et prospères. » Autrement dit, sans l’esprit de la communauté, l’individu ne peut pas réussir. La modernisation à la chinoise est donc caractérisée par un équilibre entre l’individu et la société, entre l’homme et la nature, entre la nation et la communauté internationale. A la fin, ce sera l’harmonie suprême, un objectif cherché déjà par Confucius. Ceci va directement à l’encontre de l’individualisme qui est à la base du « Consensus de Washington ». De ce point de vue, le modèle chinois est très différent du modèle occidental. Car, les Occidentaux en général, les Américains en particulier, veulent toujours assurer le leadership des affaires du monde. Un processus de modernisation basé sur l’impérialisme et l’exploitation, les tensions entre les peuples, la généralisation de la violence. Il s’est traduit par la rupture avec la nature, par le culte de l’hédonisme et la primauté accordée aux désirs individuels. A contrario, la Chine ne veut pas assurer ce genre de leadership. La Chine veut créer un monde multipolaire basé sur l’égalité, donc le partenariat. Le partenariat est une sorte de relation basée sur une coopération volontaire.
La coopération sino-africaine illustre parfaite cette volonté de la Chine à tirer les autres acteurs vers le haut. A commencer par l’Afrique. Pour preuve. Les participants à la treizième réunion Forum Chine-Afrique des think-tanks co-organisée par l’Institut des études africaines de l’Université normale de Zhejiang de Chine dirigé par Liu Honqgwu, et le Ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, ont proposé en Tanzanie, le 10 mars 2024, un mémorandum dit « Consensus de Dar-es-Salam » pour renforcer la coopération mondiale pour le développement. Une rencontre tenue dans le sillage du 8ème Sommet du FOCAC tenue du 29 au 30 novembre 2021 à Dakar et en prélude au prochain sommet dudit forum prévu à Beijing du 4 au 6 septembre 2024. Dans cette dynamique, les participants à cette réunion ont appelé la communauté internationale à approfondir la coopération au développement basée sur les principes de respect mutuel, de solidarité, de coopération gagnant gagnant, d’ouverture et de prospérité commune, renforçant ainsi le partage des connaissances, le consensus idéologique ainsi que la coprospérité culturelle.
C’est au nom de ces principes que depuis 34 ans, le Ministre chinois des Affaires étrangères consacre, chaque année à l’Afrique, son premier déplacement à l’étranger. De façon consécutive et ceci depuis 15 ans, la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec un commerce sino-africain dépassant les 200 milliards de dollars par an. Plus de 10.000 entreprises chinoises opèrent actuellement sur tout le continent africain, avec plus de 300 milliards de dollars d’investissements actuels. Entre 2000 et 2020, la Chine a aidé les pays Africains à construire plus de 13.000 km de voies ferrées, près de 100.000 km d’autoroutes, environ 1000 ponts, quelque 100 ports et plus de 80 centrales électriques. La Chine a aussi pris part à la construction de plus de 130 centres médicaux, 45 installations sportives et plus de 170 écoles, formé plus de 160.000 professionnels dans divers domaines et créé plus de 4,5 millions d’emplois pour l’Afrique. Sans oublier que la Chine a promis d’appliquer le régime d’exemption des droits de douane à 98% des produits taxables en provenance des pays les moins avancés.
Compte tenu de l’histoire, du contexte et des caractéristiques des deux parties et en tenant compte des objectifs à long terme de la Chine pour 2035, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et des stratégies de développement des pays africains, la Chine et l’Afrique ont élaboré la vision 2035 de la coopération sino-africaine, établi l’orientation et les objectifs de la coopération à moyen et long terme et promu la construction d’une communauté de destin Chine-Afrique plus étroite. D’ici 2035, le volume annuel des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique atteindra les 300 milliards de dollars. Pour la même période et dans le domaine de l’investissement bilatéral, la Chine investira 60 milliards de dollars en Afrique, en se concentrant sur le soutien de l’agriculture, de l’industrie manufacturière, des infrastructures, de la protection de l’environnement, de l’économie numérique, de l’économie bleue, etc, en soutenant les zones de coopération économique et commerciale fortes de la Chine en Afrique pour qu’elles deviennent des zones de démonstration de coopération industrielle et de chaîne d’approvisionnement sino-africaine et en aidant l’Afrique à optimiser continuellement l’environnement des affaires, améliorant ainsi le niveau de localisation des entreprises chinoises en Afrique. La Chine et l’Afrique travailleront ensemble pour faciliter et soutenir les entreprises africaines ou les coentreprises qui souhaitent faire des affaires en Chine.
Bien loin dans l’histoire, mais surtout depuis les années 1960, l’Afrique a toujours vu à ses côtés la Chine. Au point où, aujourd’hui, les succès du FOCAC ont poussé les autres partenaires à proposer, de plus, un partenariat beaucoup plus respectueux des aspirations et ambitions du continent noir. La sixième piste de réflexion est la suivante : Si tout au long de son parcours vers la modernisation, la Chine ne s’est jamais écartée de sa volonté clairement affichée et promue par le Président Xi Jinping de construire un développement mondial, une civilisation mondiale et une sécurité, l’Afrique, « Berceau de l’humanité », n’a-t-elle pas intérêt à resserrer ses liens à l’échelle sous-régional, continental, en vue de proposer une quatrième voie pour le développement mondial ? La crainte du divin, le sens de l’honneur, de la dignité, du respect de la nature et des choses visibles et invisibles, la libre circulation des personnes et des biens, la mutualisation des forces et des moyens (humains, matériels, miniers, etc.) pour construire de grands projets routiers, ferroviaires, maritimes, portuaires, aéroportuaires, numériques, spatiaux intégrateurs (y compris avec des partenaires comme la Chine), vont permettre aux pays africains de se découvrir sous un nouveau jour. Ce sera l’aube nouvelle de l’Afrique. Et comme j’ai coutume de le dire, lorsque le soleil de l’Afrique brillera sur le toit du monde, la paix et la sécurité internationale auront un sens. L’Afrique, la Chine et les autres acteurs de la scène internationale épris de paix et de justice pour tous, de solidarité agissante, pourront se donner la main pour bâtir une communauté partagée pour l’humanité, telle que le Président Xi Jinping l’appellent de tous ses vœux.